Le choix du couvre-feu

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Emmanuel Macron a tranché, un couvre-feu est instauré en Île-de-France et dans huit métropoles.

La première vague a déclenché le confinement, la seconde le couvre-feu. Lors de sa prise de parole télévisée du mercredi 14 octobre, le Président de la République a confirmé une décision gouvernementale qui avait fuité : plutôt qu’un reconfinement général du pays, place à un couvre-feu pour une série de métropoles. L’accompagne, l’état d’urgence sanitaire. Dans le même temps, des mesures équivalentes pleuvent partout en Europe.

Le nouveau coup de vis sanitaire sonne comme la fin du temps de l’insouciance, ouvert durant l’été. Non, la crise n’est pas derrière nous. En un entretien télévisé sur les deux chaînes quasi officielles, France 2 et TF1, Emmanuel Macron a remis les pendules à l’heure : « Nous sommes dans la deuxième vague. Le virus recircule très vite en Europe et dans notre pays. » Il a raison. La situation est préoccupante : plus de 20 000 nouveaux cas déclarés par jour (en moyenne) et une occupation globale de 32 % des services de réanimation par des patient·es covid, dont la moitié ont moins de 65 ans. En suivant la voie ouverte par quelques-un·es de ses homologues européen·nes, le Président a annoncé qu’un couvre-feu serait mis en place, à partir du samedi 17 octobre, entre 21 heures et 6 heures, en Île-de-France et dans huit métropoles, considérées comme celles où le virus circule le plus vite : Lille, Grenoble, Lyon, Aix-Marseille, Montpellier, Rouen, Toulouse et Saint-Étienne. Une pratique en « temps normal » réservée à des situations de guerre ou d’émeutes urbaines. Au minimum, la privation durera quatre semaines. Si le Parlement l’autorise et comme le souhaite le chef de l’État, elle pourra se prolonger jusqu’à six semaines, jusqu’au 1er décembre.

Le refus du reconfinement
Un reconfinement général du pays « serait disproportionné », estime Emmanuel Macron. Reste que le couvre-feu est une mesure drastique. L’objectif clairement affiché est l’arrêt de la vie sociale pendant la nuit, déjà visé avec les mesures de fermetures de bars et restaurants après 22 heures, lesquels perdent donc encore une heure de chalandise. En outre, les réunions et rassemblements privés de plus de six personnes, considérés comme les plus « dangereux », sont également fortement déconseillés. En préférant le couvre-feu au reconfinement, le chef de l’État envoie, et confirme, son message : il faut limiter au maximum les conséquences économiques de la deuxième vague épidémique. Les huit semaines de confinement ont trop coûté. Déjà très limité·es ces dernières semaines, les restaurateur·rices et autres professionnel·les de la table seront parmi les plus impacté·es par la mesure. Le Président a promis des « dispositifs supplémentaires » pour les soutenir, ainsi qu’une nouvelle aide de 150 euros « pour les plus précaires » (bénéficiaires du RSA et des APL), qui seront précisés dans les prochains jours. Toujours dans la perspective du maintien de l’activité, rien ne changera en théorie entre 6 heures et 21 heures, les transports en commun continueront de circuler et toutes et tous pourront se rendre au travail et se déplacer librement. En cas de non-respect du couvre-feu, pourtant, l’amende sera de 135 euros, potentiellement 1 500 euros en cas de récidive. Pour les travailleur·ses de nuit et les entreprises ouvertes après 21 heures, des dérogations seront prévues, sans doute laisser-passer à l’appui. Emmanuel Macron appelle les Français·es à « se remobiliser », il n’est pas le seul. Le tour de vis est européen.

Les pays européens durcissent le ton
En France, déjà, la pratique du couvre-feu n’est pas nouvelle en cette période. Depuis le 24 mars, tous les déplacements sont interdits en Guyane française, entre 21 heures et 5 heures, excepté pour raisons professionnelles ou médicales. Six mois plus tard, malgré quelques assouplissements, la mesure est toujours en vigueur. Le Président soulignait également que « le ralentissement des contacts sociaux est ce qui nous a permis d’être efficaces en Mayenne ou en Guadeloupe ». Et le choix de la limitation des interactions sociales se multiplient partout en Europe. Peu avant les annonces en France, le Royaume-Uni a interdit les rassemblements de plus de six personnes sur l’ensemble de son territoire et entre personnes de foyers autres que familiaux dans le nord de l’Angleterre, et fermé les pubs dans la région de Liverpool. L’Italie, où le virus a tué 36 000 fois, a prononcé le prolongement de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 janvier 2021 et a interdit pour les 30 prochains jours les fêtes privées et le service en restaurants et bars après 21 heures. Les Pays-Bas ont eux choisi le reconfinement partiel, dès le mercredi 14 octobre. Les restaurants et cafés sont fermés pour deux semaines au minimum et les magasins de détail devront baisser le rideau à 20 heures, tandis que la vente d’alcool sera interdite entre 20 heures et 7 heures du matin. En Espagne, une partie de Madrid est reconfinée depuis le 2 octobre. Il est interdit de sortir dans la capitale sauf pour aller au travail, chez le médecin ou à l’école. Portugal, Allemagne, Islande, Autriche, République Tchèque… la liste des pays européens qui durcissent le ton est longue.

Malgré les critiques qui dénoncent pour la plupart l’échec et la « faillite » du gouvernement dans sa gestion de la crise, Emmanuel Macron assume ce choix : « Nous n’avons pas perdu le contrôle, nous sommes dans une situation préoccupante qui justifie qu’on ne soit ni inactifs ni dans la panique ». Le confinement avait été largement accepté, reste désormais à savoir si le couvre-feu sera, lui, respecté.

Adam Belghiti Alaoui

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