Réforme de la politique agricole commune : une PAC à impact

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Les ministres de l’Agriculture de l’UE se sont entendus sur les mécanismes de la future PAC.

C’était un lourd dossier sur la table des États membres de l’Union européenne que la réforme de la PAC. Elle est en bonne voie, après que les ministres de l’Agriculture se sont mis·es d’accord le 20 octobre. Parmi les grandes lignes de l’accord : des critères écologiques nouveaux, adossés aux aides directes. La Commission européenne veut une PAC plus verte et plus décentralisée, au risque de perdre le contrôle.  

Prévue par le traité de Rome de 1957, fondateur de la Communauté économique européenne (CEE), entrée en vigueur en 1962, la politique agricole commune de l’UE ne date pas d’hier. Pensée pour soutenir le marché, les revenus agricoles et le développement rural, son poids budgétaire est considérable : 58,12 milliards d’euros, soit 34,5 % du budget de l’UE. Autant dire que la réforme de la PAC revêt un enjeu colossal, d’autant plus que la précédente réforme remonte à 2013 et que les règles actuelles expireront fin 2020. Elles seront remplacées par des règles transitoires, en attendant l’approbation de la réforme par le Parlement et le Conseil de l’UE. Les négociations actuellement à l’œuvre à Bruxelles doivent aboutir début 2021. Elles décideront des règles appliquées à la PAC à partir de janvier 2023.
La première étape était celle de la réunion des ministres de l’Agriculture des États membres à Luxembourg. L’accord qui en ressort laisse présager d’une « PAC plus verte, plus juste et simplifiée », selon les mots de Julie Klöckner, ministre allemande de l’Agriculture. Les orientations adoptées par le collège de ministres, si elles doivent être soumises aux négociations avec le Parlement européen, sont qualifiées de « bon point de départ » vers un compromis, par Janusz Wojciechowki, commissaire européen à l’Agriculture.

Tournant écologique
Principal enseignement de l’accord des ministres représentant·es des 27 : la PAC doit évoluer, se simplifier et verdir. Les ministres se sont accordé·es autour d’une réforme proposée par la Commission européenne dès juin 2018, celle des « éco-régimes ». Ces dispositions nouvelles conditionneraient une part des aides directes (deux tiers du budget de la PAC, fixé à 387 milliards d’euros sur sept ans) aux efforts écologiques des agriculteur·rices. Jusqu’à présent, ce système se concentrait sur les aides indirectes et était facultatif. Sur ce poids, deux camps s’opposent : d’un côté la France, l’Allemagne, l’Espagne ou la Belgique, poussent pour des éco-régimes obligatoires au nom de la juste concurrence et de la répartition de l’effort écologique. De l’autre, les pays d’Europe centrale et de l’Est craignent de perdre des fonds si l’effort écologique n’est pas réalisé. Finalement, l’accord prévoit que chaque État devra consacrer 20 % des paiements directs de l’UE à ces éco-régimes, les exploitations agricoles recevant des fonds supplémentaires si elles font plus que les normes environnementales et climatiques de base.
L’harmonisation des critères et des normes est bien l’un des grands enjeux de la réforme, comme l’exprime Julie Denormandie, ministre français de l’Agriculture : « Il n’est plus concevable d’avoir en Europe des pays qui n’ont pas les mêmes normes environnementales ».

PAC décentralisée
Autre grand enseignement de l’accord des ministres : la décentralisation du contrôle de la nouvelle PAC plus verte à  des États, comme préconisé par la Commission européenne. Et ce pour privilégier l’adaptation des règles au plus près du terrain, le fameux « level playing field ». Plus concrètement, il s’agit de donner plus de latitude aux États dans la répartition des aides directes, pour façonner la mécanique aux enjeux de chaque territoire. Une façon aussi d’optimiser les performances, à l’heure où la dynamique est plutôt à une diminution du budget global de la PAC, au profit d’autres priorités européennes. Mais la décentralisation n’est pas sans risques. En diffusant le contrôle à l’échelle des États, la Commission perd de l’influence sur l’application de la PAC, et les risques de « triche » et de concurrence inéquitable sont grands. Pour que la PAC soit efficace, encore faut-il que les joueur·ses jouent avec les mêmes règles. Sans quoi « nous irons vers 27 politiques agricoles européennes divergentes et nous ne pourrons garantir une égalité de traitement entre les agriculteur·rices européen·nes opérant au sein du marché unique. Car, soyons clairs, une majorité d’États membres ne défendent plus cette ambition commune européenne dans le cadre de la politique agricole », selon Anne Sander, eurodéputée LR rattachée au PPE (Parti populaire européen), co-rapporteuse sur une partie de la PAC.

Reste désormais aux eurodéputé·es de débattre, négocier et voter les détails de la réforme de la PAC. La session plénière d’octobre y est consacrée. L’entreprise s’annonce fastidieuse, quelque 2 000 amendements ont d’ores et déjà été déposés et la pandémie implique une session plénière virtuelle.

Adam Belghiti Alaoui

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