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Issu des travaux de la convention citoyenne sur le climat, le texte du projet de loi a été présenté en conseil des ministres.
Après plusieurs mois d’arbitrages successifs et de reports, le projet de loi Climat, baptisé Climat et résilience, est arrivé sur la table du conseil des ministres le mercredi 10 février. Derrière le texte, l’enjeu de la baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Présenté comme la grande loi du quinquennat Macron pour l’environnement, le projet est loin de satisfaire aux ambitions de la convention citoyenne.
« C’est une loi qui introduit des ruptures majeures pour la société française. » La ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, l’assure, le texte va changer les choses. Reste que ces derniers mois, le texte a parcouru un long chemin. Emmanuel Macron voulait en faire le marqueur écolo de son quinquennat, mais le projet issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), créée pour répondre à la crise sociale des gilets jaunes, est déjà vivement critiqué. Après huit mois de débats, la CCC avait présenté à l’été 2020 149 propositions censées aboutir à une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre du pays d’ici à 2030, par rapport à 1990. Sur ces 149, Emmanuel Macron s’est accordé trois jokers en en retenant 146. Le projet de loi tel qu’il est présenté comporte 65 articles, articulés autour des six grands thèmes de travail de la CCC : la consommation, la production et le travail, les déplacements, le logement, l’alimentation et la protection judiciaire de l’environnement. 65 articles qui ne rassemblent, partiellement ou en intégralité, que 46 des 149 propositions de la CCC, soit 30 %. Où est l’erreur ?
Portée limitée et faible ambition
Autant dire que la dilution des propositions de la convention et le texte allégé qui en résulte ne contentent pas leur monde. Et l’étude d’impact du gouvernement associée au projet montre elle-même les limites du texte : pour atteindre son objectif, la France doit réduire ses émissions de 112 millions de tonnes de CO2 par an. Souci : les mesures du projet mèneraient à une baisse de près de… 12 millions de tonnes seulement. Soit une ambition limitée à 10 % des besoins… Ce lundi 7 février, en amont de la présentation du texte en conseil des ministres, une centaine d’organisations et d’associations ont adressé une lettre ouverte au Président de la République, histoire de l’appeler à muscler fissa le projet de loi. Arbitrages et pressions obligent, un rapport de l’Observatoire des multinationales révèle qu’en coulisses les lobbys industriels ont bataillé pendant des mois pour affaiblir le texte et évincer les propositions de la CCC. Visiblement, les intérêts économiques privés ont à nouveau réussi leur coup, à l’image de la soumission du délit d’écocide à un critère d’intentionnalité, au grand dam des associations de protection de l’environnement.
Gare aux fausses promesses
Pour l’association Les 150, qui regroupe la majorité des membres de la Convention citoyenne et regrette un texte « édulcoré », « on est loin du “sans filtre” promis par Emmanuel Macron ». De l’autre côté, les milieux d’affaires expriment également leur mécontentement et leur inquiétude. Non pas pour l’environnement et le maintien des promesses de la France, mais bien pour leur activité économique, que les mesures du projet, bien que limitées, pourraient entraver. Parmi les mesures phares du projet : interdiction des publicités de promotion des énergies fossiles, réduction d’au moins 50 % de l’artificialisation des sols, interdiction des vols domestiques s’il existe une alternative en train en moins de 2 heures 30, création d’un carbone-score informant sur l’impact environnemental d’un produit ou encore création de zones à faibles émissions pour les métropoles de plus de 150 000 habitants. Autant de mesures nécessaires et attendues par les associations environnementale, mais pas suffisamment ambitieuses et globales donc. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese), affirme en outre que les mesures ne sont souvent que « des ajustements de dispositions existantes », et note que si « les nombreuses mesures du projet de loi, considérées une à une, sont en général pertinentes », elles restent « souvent limitées, souvent différées, souvent soumises à des conditions telles que l’on doute de les voir mises en œuvre à terme rapproché ». En l’état, le texte ne permettra pas à la France de respecter ses engagements pour le climat, comme l’affirme le Haut conseil pour le climat (HCC). L’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale prévu à la mi-mars s’annonce particulièrement houleux. Quelques jours après « l’affaire du siècle » qui avait vu l’État condamné par le tribunal administratif de Paris pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique, ce n’est pas le projet de loi présenté ce mercredi par Barbara Pompili qui fera taire les critiques. Déjà, l’ex-ministre de l’Écologie, le désabusé Nicolas Hulot, dénonce à quel point les objectifs de ce type ne sont jamais suivis d’effets. Comme très souvent, macronie et écologie peinent à s’accorder.
Adam Belghiti Alaoui