Embouteillage dans le canal de Suez : le commerce mondial à l’arrêt !

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Le porte-conteneurs Ever Given s’est échoué dans le canal de Suez. Plus d’une centaine de navires bloqués sont pris dans la nasse ou décident de contourner l’Afrique.

Un pavé dans la mare. D’autant plus délicat lorsque le pavé pèse plus de 200 000 tonnes et que la mare en question se nomme « canal de Suez ». Le porte-conteneurs Ever Given qui devait rejoindre le port de Rotterdam – après avoir quitté celui de Yantian en Chine – s’est échoué mercredi 24 mars dans le canal de Suez. Mais en biais, poupe et proue exactement « tankées » dans chacune des berges du canal. Ce qui a conduit à un blocage du trafic maritime. La mauvaise manœuvre devient catastrophe dès lors que le sauvetage du superconteneur pourrait prendre plusieurs semaines, non sans conséquence sur le commerce mondial.

Une longueur de 400 m – soit davantage que la Tour Eiffel – haut et large de 60 m, lourd de 219 000 tonnes et plus de 20 000 conteneurs sur le dos. Cet Ever Given – propriété d’une société japonaise – relève d’un mastodonte du transport maritime. Mais mercredi 24 mars, ce porte-conteneurs XXL s’est mis en travers de l’une des voies les plus empruntées au monde, le canal de Suez. La faute à des « vents forts », aurait précisé le porte-parole de Bernhard Schulte Shipmanagement (BSM), le gestionnaire du navire échoué. Soit le vent a déporté le navire, soit il a provoqué une tempête de sable, ce qui aurait pu drastiquement réduire la visibilité. Peu importe, depuis l’épisode et face à la suspension du trafic, le commerce mondial, lui aussi, s’affiche à l’arrêt.

Près de 10 milliards de dollars de marchandises bloqués
Conséquence directe, plus d’une centaine de navires sont à l’ancre aux entrées nord et sud du canal. Des navires qui – à l’évidence – transportent tous des matières premières ou des marchandises, environ 10 milliards de dollars au total bloqués dans une voie navigable qui ne représente pas moins de 12 % du commerce mondial. Parmi les dommages collatéraux, le numéro un mondial du transport de conteneurs maritime, le danois Maersk, qui explique que quatre de ses bateaux patientent dans le canal et trois autres à l’entrée. Des effets aussi sur le marché du pétrole, puisque les pays du Golfe – producteurs de l’or noir – ont pour habitude d’emprunter le canal de Suez pour acheminer leur pétrole vers d’autres marchés, européens et nord-américains. Dans ce sens, la revue de fret maritime Lloyd’s List estime le transit de pétrole par cette voie à deux millions de barils de brut par jour. En raison de la mise en travers du navire Ever Given (littéralement le curieux nom de À jamais donné), 13 millions de barils seraient affectés par la situation, révèle la société d’analyse Vortexa. Voilà qui a de quoi bouleverser les marchés et notamment doper la volatilité des cours du pétrole. Mercredi 24 mars, le baril de Brent, référence européenne, a bondi de 6 % à 64,40 dollars. Le lendemain, recul de 3 % à 62,43 dollars, bref instable.

On l’a dit, le canal de Suez, c’est une voie de transit pour 12 % du commerce mondial. L’an passé, 19 000 navires de commerce ont traversé le canal – qui, long de 193 km, relie la mer Rouge et la mer Méditerranée –, soit 52 navires par jour. Un passage maritime inauguré en 1869 pour que les navires de relient l’Asie et l’Europe sans passer par le Cap de Bonne-Espérance et gagner ainsi entre une et deux semaines de navigation.

Plusieurs semaines de blocage…
« Nous n’avons jamais rien vu de tel auparavant, mais il est probable que la congestion […] prendra plusieurs jours ou semaines pour se résorber, car elle devrait avoir un effet d’entraînement sur les autres convois, les plannings et les marchés mondiaux », a déclaré Ranjith Raja, responsable de la recherche sur le pétrole du Moyen-Orient. Et c’est sans doute un minimum, l’opération de sauvetage se révèle complexe en raison avant tout de la taille gigantesque du navire. Pour l’heure, l’Autorité du canal de Suez a rouvert une partie plus ancienne de la voie pour détourner certains navires, seuls les plus petits d’entre eux peuvent toutefois s’y introduire. Au point qu’un détournement par le Cap de Bonne-Espérance reste envisagé, notamment par le danois Maersk et l’allemand Hapag-Lloyd. Un détour qui ferait perdre une dizaine de jours pour les cargaisons prévues dans les ports européens, sans oublier une désorganisation à l’arrivée de la chaîne d’approvisionnement. Mais dix jours, ce pourrait être moins que l’attente du retour du trafic dans le canal de Suez, une voie qui – on le rappelle – se paie très cher au gouvernement égyptien, environ 500 000 dollars (un peu plus de 400 000 euros) par passage… Un manque à gagner qui va finir par chiffrer.

Heureusement, le personnel de navigation serait sain et sauf, et aucune pollution due à la mise en travers du navire n’aurait été constatée. Malgré tout, cette péripétie interroge sur la tendance à construire des navires de plus en plus grands : leur taille a triplé en 20 ans ! « Il est plus facile d’accuser le vent que de reconnaître une erreur humaine […]  Il est surprenant que des vents d’une vitesse de 30 ou 40 nœuds (74 km/h, ndlr) déportent un navire. Dans ce cas, les alertes de sécurité sur le canal de Suez doivent être améliorées », lance Phil Reed, spécialiste du sauvetage maritime. GW

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