Les taux d’endettement public ont beaucoup augmenté dans la grande majorité des pays de l’OCDE, et c’est une des causes centrales de la croissance de la taille de la finance. Face à cette situation, on voit apparaître deux réactions : ceux qui pensent que, compte tenu du niveau très bas des taux d’intérêt, les taux d’endettement public élevés et les politiques budgétaires expansionnistes ne sont pas un problème, ceux qui annoncent une crise financière majeure en raison de ces taux d’endettement public élevés. Il faut donc aller plus loin que ces affirmations et s’interroger sur les perspectives pour l’inflation et pour les taux d’intérêt réels.
Effectivement, tant que les taux d’intérêt sont très bas, les taux d’endettement public très élevés ne sont pas dangereux. L’ensemble de l’OCDE, les États-Unis, la zone euro en dehors de l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon ont des taux d’endettement public très élevés (114 % du Produit intérieur brut pour l’ensemble de l’OCDE). Mais les taux d’intérêt sont aujourd’hui partout très faibles par rapport à la croissance, ce qui implique que la dette progresse moins vite que le revenu et que le taux d’endettement, donc, recule spontanément. Dans la zone euro, par exemple aujourd’hui, le taux d’intérêt à dix ans est de 0,8 % pour une croissance nominale de 3 % environ. Tant que les taux d’intérêt sont aussi bas par rapport à la croissance, le taux d’endettement élevé n’est donc pas un problème, la solvabilité budgétaire se rétablit spontanément.
Mais on entend aujourd’hui deux messages opposés. Le premier consiste à dire que, puisque les taux d’intérêt sont bas, avoir un endettement public élevé et une politique budgétaire expansionniste n’est pas un souci. Le second message consiste à dire que les taux d’endettement public aussi élevés vont nécessairement conduire à une crise. Il faut aller plus loin pour trancher entre ces deux vues.
L’inflation peut-elle revenir ? Ce sera le cas si le fonctionnement des marchés du travail se modifie avec le retour à un pouvoir de négociation plus élevé des salariés conduisant à une hausse plus rapide des coûts salariaux.
Si l’inflation revient, y aura-t-il une réaction forte des banques centrales conduisant au retour à des taux d’intérêt réels supérieurs à la croissance potentielle ? Pour que l’inflation conduise à un danger avec les taux d’endettement, il faut que la réaction des banques centrales soit si forte qu’elle aboutisse à une hausse des taux d’intérêt réels. Dans le passé, à partir de 1984, l’inflation élevée a conduit à la hausse du taux d’intérêt réel, en général avec un décalage. Ce n’est plus le cas depuis 2010.
En fait, les positions extrêmes sont simplistes mais l’effet des taux d’endettement public élevés est complexe. Il dépend du fonctionnement des marchés du travail et de l’inflation, de l’importance de la réaction des banques centrales à l’inflation et en conséquence de la hiérarchie entre taux d’intérêt réels et croissance.
Il est donc difficile de savoir si les taux d’endettement élevés seront un tracas ou non dans le futur : tout dépend de l’évolution des règles et des institutions des marchés du travail et de la réaction des banques centrales. Pour que les dettes publiques provoquent la prochaine crise financière, il faut que, à la fois, le retour de règles du marché du travail plus favorables aux salariés fasse revenir des hausses plus rapides des salaires et l’inflation, et que les banques centrales accroissent les taux d’intérêt réels en réponse à l’inflation.