Pour attirer start-up et entreprises innovantes, les villes et métropoles ne reculent devant rien.
Non, Montpellier ne se résume pas Georges Frêche ou Louis Nicollin. La septième commune de France est devenue en quelques années l’épicentre de la start-up nation française. Elle a été l’une des premières métropoles à obtenir le label French Tech et les jeunes pousses se bousculent pour poser leurs cartables dans la cour de l’incubateur Cap Omega, spécialisé dans le numérique. Les places sont chères. Seules une cinquantaine de sociétés sont invitées à grandir au sein de cet incubateur du Business & Innovation Centre (BIC) créé par Montpellier Méditerranée Métropole. Une attractivité qui ne s’improvise pas. La métropole a installé son incubateur au cœur de son pôle tertiaire, dans le quartier Eurêka qui accueille aussi IBM et Dell. Les heureux élus bénéficient de salles de réunion, d’espace de coworking, du très haut débit et bien sûr de la proximité d’acteurs de l’écosystème comme le fonds de business angels Méliès. Frédéric Salles, président et co-fondateur de Matooma, société au succès fulgurant spécialisée dans les cartes SIM pour objets connectés, a eu cette chance.
« L’excellence de l’accompagnement du BIC associée à l’effervescence des innovateurs qui y sont hébergés offrent au start-uper tous les ingrédients pour réussir et développer son entreprise », reconnaît le dirigeant. Lequel égrène volontiers les facilités dont il a disposé : bail au mois, possibilité de s’étendre et accompagnement par des chargés d’affaires. « Ces chargés d’affaires mis gratuitement à notre service nous ont aidés à affiner notre projet, à le restructurer. Ils nous ont challengés afin de convaincre les organismes publics de financement et les banques. » Il reconnaît que son installation au sein de Cap Omega, un gage de sérieux et de qualité, l’a grandement aidé pour l’octroi de subventions publiques, de prêts d’honneurs et de crédits bancaires.
Les métropoles au service de la tech
À l’image des douze autres métropoles labellisées French Tech, Montpellier rivalise d’idées et multiplie les investissements pour attirer les jeunes pousses. La ville a transformé l’ancienne mairie en hôtel d’entreprises. Treize agences Web, éditeurs de logiciels, studios de développement, spécialistes de la réalité augmentée ou des images de synthèse occupent ses étages. La métropole de Montpellier confirme un nouveau Totem quatre fois plus grand à l’est de la ville d’ici à 2020.
« Pour nous, la French Tech est plus qu’une cocotte magenta, c’est un grand étendard de l’innovation qui rassemble tous ceux qui ont envie d’entreprendre », avait déclaré le président de la métropole et maire de Montpellier Philippe Saurel, lors de l’inauguration du bâtiment Totem French Tech il y a deux ans. « Pour garder les entreprises nouvelles en croissance et en accueillir de l’extérieur, il faut leur apporter une réponse rapide », avait ajouté la vice-présidente au développement économique, Chantal Mario. L’initiative est saluée par Philippe Rossi, fondateur de Nelis, entreprise spécialisée dans la gestion de contacts en équipe et la cartographie des réseaux b2b. « L’hôtel French Tech est un véritable accélérateur de croissance. Nous y sommes hébergés depuis 2016 sur un espace de 120 m2. Le bâtiment présente des avantages importants : la proximité du centre-ville, le bail d’un an renouvelable, ce qui est rassurant pour une start-up qui a des velléités de recruter à moyen terme, un loyer au prix du marché. Nous profitons aussi de la possibilité d’utiliser une salle de coworking pour des ateliers et des réunions d’investisseurs. » Enfin, la métropole de Montpellier et la région Occitanie n’hésitent pas à faire voyager leurs pépites dans les grands salons comme, récemment, VivaTech à Paris. Stéphane Seigneurin, co-fondateur de MyCarSpot, a présenté aux visiteurs du monde entier sa solution d’optimisation des parkings entre les collaborateurs.
« Le soutien du BIC par le biais du programme Jump’In Création a donné un sérieux coup de pouce en m’aidant à formaliser ma création de valeur », souligne le dirigeant. Heureusement que Montpellier n’est pas la seule métropole à miser sur la tech. Sa voisine Aix-Marseille aussi se rêve capitale du numérique. Axé sur les smart cities, le big data ou encore l’e-santé, l’écosystème de la French Tech Aix-Marseille affiche une croissance remarquable grâce à une multitude d’incubateurs et d’accélérateurs privés et publics. En réalité, chaque métropole s’efforce de cultiver une expertise spécifique qui fera la différence : Grenoble met en avant la spécialisation de la région en électronique et micro-électronique, informatique et logiciels, Brest la sienne dans les services hôteliers, etc.
Ces chargés d’affaires mis gratuitement à notre service nous ont aidés à affiner notre projet, à le restructurer. Ils nous ont challengés afin de convaincre les organismes publics de financement et les banques
Paris-Saclay, mégacluster
Les start-up nées de ces métropoles parviendront-elles enfin à reléguer aux oubliettes le vieux concept de « Paris et le désert français », du nom du célèbre ouvrage du géographe Jean-François Gravier publié en 1947 ? Le Grand Paris et son gigantesque cluster Paris-Saclay ne l’entendent pas ainsi. Né avec le projet du Grand Paris Express en 2008, Paris-Saclay regroupe aujourd’hui 40 % de la recherche publique et privée d’Île-de-France et 15 % au plan national. À cheval sur deux départements, les Yvelines et l’Essonne, et trois communautés d’agglomérations – Paris-Saclay, Saint-Quentin-en-Yvelines et Versailles Grand Parc –, cet écosystème d’innovation unique en Europe se situe à 30 km à peine du cœur de la capitale.
« Dès juillet 2013, celui de Paris-Saclay se classe parmi les huit clusters mondiaux de l’innovation », rappelle Jérémy Hervé, chef de projets Attractivité et Entreprenariat, au sein de l’Établissement public d’aménagement (EPA) Paris-Saclay. L’une de ses missions est de faciliter l’installation d’entreprises étrangères, le plus souvent des start-up dans le cluster en lien avec les trois communautés d’agglomération du territoire. « Nous conseillons la société sur son lieu d’implantation, puis nous la mettons en relation avec d’autres membres de l’écosystème. À titre d’exemple, nous pouvons rapprocher un laboratoire international qui détient un brevet avec une équipe de recherche française basée à Paris-Saclay afin qu’ils développent ensemble le produit breveté. » Le chef de projet se charge également de l’accueil des familles en leur trouvant un logement, une crèche ou une école, des cours de français, et tutti quanti. Au total, cinq secteurs industriels stratégiques sont particulièrement bien implantés sur le pôle (technologie de l’information, santé, gestion intelligente de l’énergie, aéronautique et mobilités du futur). « L’innovation s’appuie sur la mise en relation des compétences. Le territoire accueille de prestigieux pôles académiques comme l’université Paris-Saclay ou l’Institut polytechnique de Paris, des organismes de recherche de renommée internationale et des géants mondiaux de l’industrie, comme GE ou Air Liquide », souligne Jérémy Hervé.
Nice réinventé
À l’autre bout de la France, un autre EPA, celui d’Éco-Vallée Plaine du Var, ne manque pas non plus d’ambition. Basé à Nice, l’établissement, qui mise sur les énergies vertes et la silver economy, a vu les choses en grand pour attirer les entreprises. « Le projet Éco-Vallée est une mutation profonde d’un territoire vers plus d’emplois tout en opérant un retour vers ses fondamentaux de qualité de vie. Nice change d’échelle économiquement parlant tout améliorant le confort de ses habitants », explique Olivier Sassi, le directeur général de l’EPA.
Le projet Nice Méridia doit devenir la vitrine de l’Éco-Vallée avec des immeubles spectaculaires imaginés par des architectes de renom comme Jean Nouvel, un quartier écologique, de petits commerces et des lieux festifs. « À Nice, nous tenons nos engagements, souligne Olivier Sassi. Comme promis, le tramway est d’ores et déjà en marche, avant même que la construction du projet ne soit achevée. » Côté business, la technopole urbaine Nice Méridia « sera un quartier orienté vers la croissance verte, combinera recherche privée et publique, start-up et entreprises innovantes, logements, commerces, activités », détaille Olivier Sassi.
Au total, Nice Méridia doit accueillir 5 000 emplois, 5 000 habitants et 5 000 étudiants. L’EPA mise aussi sur l’éducation avec la création du Campus régional de l’apprentissage. Enfin, l’Éco-Vallée compte développer une offre hôtelière orientée « affaires » avec notamment des espaces de coworking dans la perspective de la création d’un futur Parc des Expositions.
Selon Olivier Sassi, 80 % des entreprises qui s’implanteront seront issues du tissu local, les 20 % restants venus de l’extérieur. « L’économie de Nice a été longtemps fondée sur le tourisme et les services. Nous changeons tout ça et montrons que la ville aime l’entreprise », conclut le directeur général. Avec ces nouvelles infrastructures, son aéroport international et… ses 3 048 heures de soleil par an, l’entreprise pourrait fort, elle aussi, tomber amoureuse de la ville.
Pierre-Jean Lepagnot