C’est l’information principale au terme de deux heures et quart d’un cours de haute volée : une partie des Français/es resteront confiné/es pour cause de contamination.
Deux heures et quinze minutes d’une mise en scène fluide, avec le « professeur Philippe » en animateur, le ministre (de la crise) de la santé, Olivier Véran, un rien stressé, une infectiologue lyonnaise en charge de la batterie d’essais Discovery, Florence Ader, et un directeur général de la Santé « confiné » à l’énumération des chiffres, vaguement rassurants, Jerôme Salomon. Oui, une pédagogie bien orchestrée, de la vulgarisation claire, un historique circonstancié sur les raisons du premier confinement, un cours d’infectiologie et, enfin, enfin, le volet économique d’un plaidoyer « Objectif 11 mai » dont on savait qu’il ne dévoilerait pas le détail de ce qui n’est plus vraiment un déconfinement. Ce n’en sera pas un. Et « la vie de la nation » dont il faut « assurer la continuité » ne reprendra un semblant de « normalité », que dans de nombreux mois. Du reste, Édouard Philippe a tenté un détour sémantique : ne parlons plus de déconfinement mais de « deuxième phase », a-t-il glissé (en Grande-Bretagne, le rescapé Johnson a évoqué une « cohabitation » avec le virus en guise de déconfinement). On ouvre un concours de vocabulaire pour qualifier l’après-confinement ?
En attendant, comment allons-nous vivre notre « deuxième phase » ? Masqués (de bric et de broc) et toujours tenus à distance. La seule différence tient à un sous-entendu, un non-dit : le Premier ministre n’a pas listé les activités rouvertes, il s’est contenté de citer les seules activités commerciales strictement interdites, les hôtels, les bars et les restaurants. Je comprends : tout le reste de l’activité commerciale, les usines, les bureaux (avec une option télétravail vivement recommandée), reprendront une activité, sans doute graduelle et progressive, et dans le respect – problématique – des mesures barrières.
Le « plan » de sauvetage dévoilé dans 15 jours, applicable à partir du 11 mai, sera orchestré par un nouveau « ministre » sans ministère, Jean Castex, en charge du déconfinement. On découvrira cet homme de 54 ans, haut fonctionnaire, énarque, maire de Prades (6 000 habitants), collaborateur du Premier ministre, fidèle de Nicolas Sarkozy et nouvelle égérie d’Emmanuel Macron. On le dit organisateur hors pair. Bonne nouvelle : la « deuxième phase » devra avant tout régler à échelle de nation une organisation colossale dont dépendra l’avenir de tout un pays coupé en deux. Car la principale mesure que Jean Castex devra organiser ressemble à une sérieuse discrimination douloureuse : le reconfinement à grande échelle des « testé/es » positif/ves, prié/es de façon assez autoritaire de rester chez eux/elles ou, pire, de se laisser consigner dans un hôtel réquisitionné. De façon surprenante, à l’issue de ce dévoilement tardif de la part du Premier ministre, les commentateurs ont glissé sur cette perspective affolante de Français/es malades versus des Français/es sain/es ! Pour les uns, retour à la case « prison », pour les autres une liberté conditionnelle… Brrr.
En deux heures et quinze minutes d’une communication de crise dont la tonalité, désormais, a abandonné toute arrogance, marquée par une réelle volonté de faire comprendre, ce gouvernement aura quand même tenté son sempiternel évitement de la défaillance originelle, celle des masques, que complique à présent la pénurie de surblouses, de gants, de charlottes. À l’heure où tout un peuple devra sans doute sortir masqué, on aurait aimé que nos dirigeants avouent plus nettement que nous devrons réhabiliter nos machines à coudre pour pallier la grande imprévoyance.
Olivier Magnan, rédacteur en chef