Arrogant ou pas, le professeur aux cheveux longs a démontré que l’on sait encore, en France, avoir le courage de ses convictions.
Il a fait le show. Il n’a pas déçu ses supporters. Et a consterné ses ennemis. Le professeur Didier Raoult, « grand scientifique parmi les plus grands », a-t-il dit de lui-même (sic), auditionné par la commission parlementaire chargée d’évaluer la politique de lutte contre la pandémie à la tête de laquelle vibrionne un ténor de l’opposition, Éric Ciotti, Didier Raoult, donc, a tenu trois heures durant face aux questions fort peu critiques de parlementaires stressés. Un rare moment de psychodrame national en direct dont on s’est demandé s’il s’agissait d’un temps béni ou d’une « couillonnade » (mot de Raoult) démocratique.
En tout cas, et en dépit des compliments du rapporteur qui l’a remercié pour la clarté de ses propos, Didier Raoult s’est montré particulièrement… abscons. À telle enseigne que j’avais beau essayer, comme mes confrères et consœurs, de prendre en notes la logorrhée décousue du médecin, je n’aboutissais qu’à des digressions de digressions qui n’étaient en rien des réponses aux questions pourtant claires des élu.es de tout bord. Mais au fond, l’important ne tenait pas à la réponse scientifique, professorale, attendue de celui qui se rit des conventions, des prudences et des mandarinats ! Trois heures durant, incrédules, des parlementaires et des spectateurs.trices ont écouté sans la comprendre la parole d’un Tournesol étranger à toute limite, d’un homme, d’un « sachant » qui n’a pu, à 68 ans, construire un institut universitaire comme l’IHU de Marseille et signer tant d’articles scientifiques sans légitimer sa libre parole.
Au fond, au final, peu importe si ce toqué d’hydroxychloroquine, pour lui médicament triomphal, a raison ou non – on sait bien que cette quinine banale n’aurait pas suffi à sauver les 29 000 victimes françaises de l’épidémie. Ce qui importe, c’est que cet intouchable, qui méprise les convocations du Conseil de l’Ordre des médecins, se soit donné la liberté de fustiger la stratégie du gouvernement, au nom des masques et des tests, traiter ses confrères.sœurs du Comité scientifique de faisan.es et dénoncer les conflits d’intérêts des mandarins douteux qui se sont emparés du salut public. En les citant ! En dénonçant le labo Gilead pour son lobbyisme. Ce qui importe, c’est que dans une instance où, d’ordinaire, on témoigne sur la défensive, on feutre ses propos et l’on anonymise ses dénonciations, un homme, libre, méprisant l’insulte et ignorant l’attaque, ait pu exprimer ses quatre vérités tout en parlant du haut d’un savoir réel qui le met à l’abri de la diffamation.
Ce jour-là, à l’Assemblée nationale, un Victor Hugo de 68 ans aux mêmes cheveux longs (mais sans son éloquence) a offert à tout un pays un moment de grâce, celui du franc-parler, au nez et à la barbe de ceux et celles qui s’enragent dans leurs contradictions.
Car Didier Raoult, cet opiniâtre compilateur de données, n’a sans doute pas raison sur tout.
Mais il a raison de ne jamais abdiquer devant un mandarinat médical qui ne se remet jamais en cause.
Ça fait du bien à tout le monde. Au moins.
Olivier Magnan