« Présentiel » versus « télétravail » : le combat du siècle dernier !

Une chronique de Claude Boiocchi, coach personnel, consultant en stratégie & formateur.

Claude Boiocchi, coach personnel, consultant en stratégie & formateur

Le travail au sens où nous l’entendons communément en ce XXIe siècle est plus que jamais lié à la technologie et notamment aux technologies de communication. Les écrans sont partout et les caméras également, c’est pourquoi il me semble naïf de vouloir encore opposer en 2020 « présentiel » au bureau et « télétravail », alors même que cette période de confinement vient de nous démontrer l’étroite relation entre ces deux façons de faire.

En outre, chacun sait qu’il existe autant de situations de télétravail que de télétravailleurs, que ces pratiques toujours singulières sont difficilement comparables et qu’il est impossible de généraliser des propos à partir d’une multitude de cas particuliers dépendants de la nature même de l’entreprise, du statut des personnes et de leurs usages des outils de travail nomade mis à leur disposition. Dans le secteur tertiaire notamment, les deux formules se combinent allègrement jusqu’à produire même souvent des confusions mentales chez les salariés, très clairement observables par n’importe quel psychologue du travail digne de ce nom. En réalité, les deux situations sont déjà en interpénétration et en complémentarité depuis plus de quinze ans au bas mot et cela ne risque pas d’involuer avec l’arrivée de la 5G qui ne fera qu’accélérer ce phénomène d’hybridation.

Or, si cette mise en tension des pratiques en entreprise ne donne lieu à aucune réflexion remarquable, c’est probablement parce que l’on omet de prendre en considération une notion pourtant essentielle pour envisager les choses concrètement : « la qualité de présence » (cf. www.actineo.fr/article/quel-lien-entre-qualite-de-presence-et-teletravail). Une variable d’ajustement qui dépasse toutes les autres, mais qui n’est jamais mise en exergue à l’occasion des discussions qui traitent de l’avenir du travail ou du redéploiement souhaitable des activités professionnelles.

Confinement oblige, nous avons (re)découvert la qualité de présence
Avec cet épisode de confinement dû au coronavirus qui s’est imposé à nous comme une série Netflix plus édifiante que jamais, accessible à tous et diffusée en mondovision, chacune et chacun a pu se rendre compte quotidiennement de la difficulté et de l’énergie que supposait le fait d’aider les enfants sans école, de se consacrer au travail sans être au bureau, de suivre des réunions à distance, de sortir utilement pour aller faire ses courses ou pour courir à défaut d’imaginer autre chose, de prendre des nouvelles de ses proches à défaut de pouvoir prendre soin d’eux, etc. Tout à coup, il nous a fallu redynamiser le « je » que nous sommes pour affronter une situation inédite et angoissante. En l’espace de quelques jours, tout ce qui nous semblait aller de soi est devenu impraticable ou presque. Cette expérience humaine sans précédent a très certainement fait émerger chez beaucoup d’entre nous des prises de conscience autour de notre vulnérabilité, de notre interdépendance, de l’absurdité de certains de nos comportements habituels, du caractère alarmiste des médias, du manque de pertinence de nos experts et de l’impréparation de nos dirigeants.

En définitive, cet arrêt brutal de la machine a très probablement donné lieu à une multitude de questionnements, voire de remises en cause des personnes s’agissant de leurs modes de vie, de leur rapport à la famille, au travail, à la culture, aux loisirs et à eux-mêmes bien évidemment. Nul doute que pour beaucoup il apparaît désormais comme nécessaire de repenser nos pratiques professionnelles pour quitter enfin le pseudo empire de l’efficacité afin de découvrir le monde de l’efficience. Car n’en doutons pas, bien souvent dans nos sociétés ultralibérales chacun doit produire efficacement et rester dans sa case. On mise hélas trop rarement sur le déploiement de la créativité, de l’adaptation, sur l’intelligence collective, sur les rythmes lents et donc sereins, sur la mise en correspondance des ressources naturelles, humaines et de la technologie.

La véritable compétence à enseigner au XXIe siècle
Aussi étonnant que ça puisse paraître on n’enseigne pas la qualité de présence aux enfants, aux étudiants, aux professeurs, aux travailleurs, etc. Seules les professions extrêmes et cataloguées comme exigeantes – pompiers, chirurgiens, pilotes, astronautes, spéléologues, danseurs, musiciens ou sportifs de haut niveau, alpinistes, etc. – consacrent une partie de leur emploi du temps à se perfectionner dans cet art encore trop méconnu. Autant dire que bien que nous soyons déjà en 2020, l’hypermodernité qui nous façonne ignore encore la qualité de présence, en lui préférant la performance et en s’évertuant donc à confondre efficacité et efficience pour le plus grand malheur de tous et de la planète qui doit supporter nos aberrations jusqu’à l’asphyxie.

Pourtant, en travaillant tout ce qui met en synergie le corps et l’esprit (le langage, le mouvement, le relationnel, l’écoute de l’autre, la respiration conscientisée, la marche, etc.,) bref, tout ce qui nous éveille et participe de notre qualité de vie et de notre besoin de vivre plus intelligemment, nous pourrions réorchestrer nos existences en tenant compte des valeurs foncièrement humanisantes et naturantes qui sont en nous et qui s’apparentent à des techniques de longue vie. J’espère ne pas être seul à penser que ce que nous vivons actuellement et qui nous chamboule incroyablement, quoi qu’on en dise, pourrait inciter certaines et certains à imaginer un « monde d’après » moins brutal, moins stupide et surtout moins inféodé aux lois du marché.

Comme j’ai coutume de le dire à qui veut l’entendre, il me semble que la qualité de présence est un art qui consiste à combiner l’intelligence ambiante, l’intelligence du moment et l’intelligence du mobile. Et ceci est aussi important que l’on soit posté à son bureau en entreprise ou à domicile, en train d’animer une réunion ou d’assister à une visioconférence, mais aussi assis dans les transports en commun, en train de cuisiner, en train de lire ou de se déplacer à pieds dans la rue, etc.

 Cela signifie que nous devons apprendre à identifier clairement l’endroit où nous nous trouvons et ses potentialités, à comprendre l’instant que nous vivons et la manière dont nous pourrions y trouver du sens et enfin ce qui est souhaitable et comment nous pourrions contribuer à sa réalisation. En nous y exerçant chaque jour qui passe et en mettant en place des pédagogies pour diffuser cet art d’être soi et d’en éprouver de la joie, il nous serait peut-être enfin donné de mieux voir la beauté de ce qui nous entoure, de nous prémunir contre les dangers qui nous guettent et d’influer positivement sur le « référent Terre » qui nous accueille depuis la nuit des temps.

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